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Camille Maupin. De tout temps la poésie a eu le pas sur la musique.
Quand Lucien entendit mademoiselle des Touches et Conti, ses espérances s'envolèrent.
- Conti chante trop bien, dit-il à des Lupeaulx.
Lucien revint à madame de Bargeton, qui l'emmena dans le salon où était la marquise d'Espard.
- Eh ! bien, ne voulez-vous pas vous intéresser à lui ? dit madame de Bargeton à sa cousine.
- Mais monsieur Chardon, dit la marquise d'un air à la fois impertinent et doux, doit se mettre en
position d'être patroné sans inconvénient. Pour obtenir l'ordonnance qui lui permettra de quitter le misérable
nom de son père pour celui de sa mère, ne doit-il pas être au moins des nôtres ?
- Avant deux mois j'aurai tout arrangé, dit Lucien.
- Eh ! bien, dit la marquise, je verrai mon père et mon oncle qui sont de service auprès du roi, ils en
parleront au chancelier.
Le diplomate et ces deux femmes avaient bien deviné l'endroit sensible chez Lucien. Ce poète, ravi des
splendeurs aristocratiques, ressentait des mortifications indicibles à s'entendre appeler Chardon, quand il
voyait n'entrer dans les salons que des hommes portant des noms sonores enchâssés dans des titres. Cette
douleur se répéta partout où il se produisit pendant quelques jours. Il éprouvait d'ailleurs une sensation tout
aussi désagréable en redescendant aux affaires de son métier, après être allé la veille dans le grand monde, où
il se montrait convenablement avec l'équipage et les gens de Coralie. Il apprit à monter à cheval pour pouvoir
galoper à la portière des voitures de madame d'Espard, de mademoiselle des Touches et de la comtesse de
Montcornet, privilège qu'il avait tant envié à son arrivée à Paris. Finot fut enchanté de procurer à son
rédacteur essentiel une entrée de faveur à l'Opéra. Lucien appartint dès lors au monde spécial des élégants de
cette époque. Il rendit à Rastignac et à ses amis du monde un splendide déjeuner ; mais il commit la faute de
le donner chez Coralie. Lucien était trop jeune, trop poète et trop confiant pour connaître certaines nuances.
Une actrice, excellente fille, mais sans éducation, pouvait-elle lui apprendre la vie ? Le provincial prouva de
la manière la plus évidente à ces jeunes gens, pleins de mauvaises dispositions pour lui, cette collusion
d'intérêts entre l'actrice et lui que tout jeune homme jalouse secrètement et que chacun flétrit. Celui qui le soir
même en plaisanta le plus cruellement fut Rastignac, quoiqu'il se soutînt dans le monde par des moyens
pareils, mais en gardant si bien les apparences, qu'il pouvait traiter la médisance de calomnie. Lucien avait
promptement appris le whist. Le jeu devint une passion chez lui. Coralie, pour éviter toute rivalité, loin de
désapprouver Lucien, favorisait ses dissipations avec l'aveuglement particulier aux sentiments entiers, qui ne
voient jamais que le présent, et qui sacrifient tout, même l'avenir, à la jouissance du moment. Le caractère de
l'amour véritable offre de constantes similitudes avec l'enfance : il en a l'irréflexion, l'imprudence, la
dissipation, le rire et les pleurs.
Etudes de moeurs. 2e livre. Scènes de la vie de province. T. 4. Illusions perdues. 2. Un grand homme de pro
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Illusions perdues. 2. Un grand homme de province à Paris
A cette époque florissait une société de jeunes gens riches et désoeuvrés appelés viveurs, et qui vivaient
en effet avec une incroyable insouciance, intrépides mangeurs, buveurs plus intrépides encore. Tous
bourreaux d'argent et mêlant les plus rudes plaisanteries à cette existence, non pas folle, mais enragée, ils ne
reculaient devant aucune impossibilité, se faisaient gloire de leurs méfaits, contenus néanmoins dans de
certaines bornes. L'esprit le plus original couvrait leurs escapades, il était impossible de ne pas les leur
pardonner. Aucun fait n'accuse si hautement l'îlotisme auquel la Restauration avait condamné la jeunesse. Les
jeunes gens, qui ne savaient à quoi employer leurs forces, ne les jetaient pas seulement dans le journalisme,
dans les conspirations, dans la littérature et dans l'art, ils les dissipaient dans les plus étranges excès, tant il y
avait de sève et de luxuriantes puissances dans la jeune France. Travailleuse, cette belle jeunesse voulait le
pouvoir et le plaisir ; artiste, elle voulait des trésors ; oisive, elle voulait animer ses passions ; de toute
manière elle voulait une place, et la politique ne lui en faisait nulle part. Les viveurs étaient des gens presque
tous doués de facultés éminentes ; quelques-uns les ont perdues dans cette vie énervante, quelques autres y
ont résisté. Le plus célèbre de ces viveurs, le plus spirituel, Rastignac a fini par entrer, conduit par de Marsay,
dans une carrière sérieuse où il s'est distingué. Les plaisanteries auxquelles ces jeunes gens se sont livrés sont
devenues si fameuses qu'elles ont fourni le sujet de plusieurs vaudevilles. Lucien lancé par Blondet dans cette
société de dissipateurs, y brilla près de Bixiou, l'un des esprits les plus méchants et le plus infatigable railleur
de ce temps. Pendant tout l'hiver, la vie de Lucien fut donc une longue ivresse coupée par les faciles travaux
du journalisme ; il continua la série de ses petits articles, et fit des efforts énormes pour produire de temps en
temps quelques belles pages de critique fortement pensée. Mais l'étude était une exception, le poète ne s'y
adonnait que contraint par la nécessité : les déjeuners, les dîners, les parties de plaisir, les soirées du monde,
le jeu prenaient tout son temps, et Coralie dévorait le reste. Lucien se défendait de songer au lendemain. Il
voyait d'ailleurs ses prétendus amis se conduisant tous comme lui, défrayés par des prospectus de librairie
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